Entre engagements et résistances, entre enthousiasmes et réticences, la notion de pair aidance vient percuter le travail social et médicosocial. Elle vient reconnaitre une compétence issue de l’expérience vécue, qui complète utilement les savoirs académiques et techniques. Développement du pouvoir d’agir, savoir expérientiel, pair aidance, ces notions complémentaires et corolaires forment un corpus cohérent qui vient rééquilibrer la relation aidant-aidé, soignant-soigné, voire enseignant-enseigné, en réinjectant, dans ces relations souvent verticales, une coopération nouvelle faite des compétences des uns et des autres, une dynamique de réciprocité, une éthique de l’horizontalité.
Le travail pair est la professionnalisation de la pair aidance, en intégrant à des équipes professionnelles des personnes dites « concernées », c’est-à-dire qui ont vécu, ou vivent, des situations de vulnérabilité, précarité, marginalisation ou exclusion sociale, souffrances psychiques, conduites addictives, handicaps… Ces nouveaux professionnels – nouveaux, car cet usage est encore relativement récent – apportent à leur équipe un élément supplémentaire de pluridisciplinarité issu de leur expérience de vie. Ce qui, a priori, était stigmate devient source de compétence. Certains appels à projet exigent, dans leur cahier des charges, que l’organigramme des salariés intègre des travailleurs pairs.
Mais comment l’expérience devient-elle un savoir ? La question se pose déjà pour les professions du secteur social et médico-social, quand le début de l’exercice professionnel est souvent antérieur à la formation, quand les formations reposent sur le principe de l’alternance, quand la partie « théorique » de ces formations consacre une part importante à la reprise et à l’analyse des expériences vécues pendant la partie « pratique ». Comment l’expérience accumulée peut-elle se transformer, s’élaborer en un savoir construit, communicable, transmissible…? Ou encore, après l’obtention d’un diplôme, comment devient-on par la suite un professionnel expérimenté ? Tout cela nécessite du recul et de la réflexivité, comme capacité à revenir sur ce qui a été vécu en intégrant sa propre implication à l’objet de sa réflexion.
Comment donc une expérience de vie difficile, a priori traumatique, peut-elle déboucher sur la construction d’un savoir autonome et partageable, une compétence spécifique, un apport particulier à une équipe de travail, une habileté professionnelle ?
Comment ces nouveaux professionnels s’intègrent-ils à leur équipe pluridisciplinaire ? De quel statut s’agit-il ? Qu’est-ce que cela modifie pour les équipes ?
Quelles formations doit-on, ou peut-on, proposer à ces travailleurs pairs ?
En corolaire de cette question, comment des « personnes concernées » peuvent-elles intervenir dans les formations de travailleurs sociaux ? Le témoignage suffit-il ? De quel savoir s’agit-il ?
Cette journée d’étude poursuivra ces réflexions et développera ces questions lors des nombreuses interventions, avec des exemples d’actions déjà menées, grâce aussi aux échanges avec les participants.