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Expériences et vécus des médecins généralistes face à l’utilisation d’un dispositif d’interprétariat professionnel en Auvergne-Rhône-Alpes, dans la prise en charge des patients allophones en situation de précarité.
2021
Santé
Auteurs Physiques
- DE LARMINAT (J.)
Organismes Producteurs
Aucun organisme producteur
Organismes Commanditaires
- Université de Lyon
Résumé
La barrière de la langue participe à creuser les inégalités sociales de santé. En Auvergne-Rhône-Alpes, l'ARS soutient un dispositif d'interprétariat professionnel. L'objectif de cette étude était d'étudier le ressenti des médecins généralistes face à l'utilisation de ce dispositif afin d'en identifier les freins et leviers. Cette étude qualitative a été réalisée auprès de dix médecins généralistes exerçant dans la région et ayant eu recours au moins une fois à ce dispositif. Le recueil de données a été effectué entre septembre 2020 et février 2021 par la réalisation d'entretiens semi-directifs. L'analyse a été menée selon la méthode inductive générale. Du fait de la barrière de la langue, la prise en charge des patients allophones en situation de précarité est source d'insatisfaction chez les médecins généralistes. Elle est jugée incomplète et entraîne un risque de perte de chance pour ces patients. Les principaux moyens utilisés pour y faire face sont: Google® traduction, l'interprétariat de proximité, le recours à une langue tierce et le langage non verbal. Le manque de confiance dans la fiabilité de la traduction, le non-respect du secret médical et les champs d'exploration restreints de ces méthodes sont décriés. Concernant les situations graves ou complexes et celles relevant des maladies mentales, ces méthodes sont insuffisantes. Une affinité professionnelle pour la prise en charge des patients allophones et une sensibilisation préalable aux sujets de la précarité et de l'interculturalité sont des leviers à son utilisation. L'interprétariat, le plus souvent téléphonique, permet une relation de soins de qualité avec une aide au diagnostic par une anamnèse approfondie, une aide à la prise en charge thérapeutique avec l'élaboration d'un plan de soins et l'accès à la prévention. La satisfaction des patients face au dispositif est soulignée. Le professionnalisme des interprètes est apprécié et s'exprime à travers leur neutralité, leur disponibilité, un cadre déontologique commun et la fiabilité de la traduction. Les limites du dispositif en sont ses critères d'utilisations jugés restrictifs et inadaptés à la pratique de la médecine générale. Le recours limité aux primo-consultations pour les soins somatiques est source de frustration pour une majorité des médecins. Sa mise en œuvre nécessite une organisation d'amont qui apparaît complexe et chronophage. Les médecins regrettent un accès impossible en urgence. Dans sa forme actuelle, le dispositif ne répond que partiellement aux attentes des médecins usagers. Cependant, chez les plus expérimentés à l'interprétariat professionnel, son recours est quasi-systématique face à un patient allophone. Tandis qu'il reste, à l'inverse rare et réservé à certaines situations jugées très complexes chez les autres. La participation du secrétariat dans l'organisation du dispositif, le fait de travailler dans une structure de soins où il est déjà intégré et le travail en réseau, sont des leviers à son utilisation. Du point de vue des médecins généralistes, le dispositif d'interprétariat professionnel proposé en Auvergne Rhône Alpes est nécessaire et améliore la qualité de la prise en charge des patients allophones. Cependant il est méconnu et sa mise en pratique apparaît complexe et chronophage. Une campagne de promotion et de diffusion auprès des patients et des acteurs médico-sociaux œuvrant au contact de la population migrante allophone est nécessaire. Dans un objectif de pérennisation et afin d'encourager le maintien de ses financements, la réalisation d'une étude régionale médico-économique pourrait appuyer l'intérêt de santé publique, d'un tel dispositif. La volonté des institutions de développer l'interprétariat professionnel en santé, doit être affirmée et sa procédure d'accès clarifiée et simplifiée. Un accès direct à l'interprétariat téléphonique permettrait d'en faciliter le recours, en particulier dans le cadre d'un travail partenarial avec des médecins impliqués dans la prise en charge de ces patients.
Accès à l'étude